L'autre jour, j'ai reçu un mail d'une lectrice qui m'interpellait sur les péremptions des produits de beauté. C'est un sujet qui est régulièrement traité dans la presse ou sur les blogs, et ce qui est dit n'est pas faux mais un peu trop prudent quand même, un peu simpliste. On va aller un peu plus loin dans la réflexion et je vais vous expliquer comment réellement savoir si votre produit est bon à jeter ou pas.
Tout d'abord, pour celles et ceux qui sont des flippés de la vie et ne voudraient prendre aucun "risque", arrêtez ici la lecture et trouvez un tableau sur les durabilités des cosmétiques sur les Internets, il y en a plein (... et allez voir un psy, peut-être ?) (rhôôô, je plaisante ;)). Pour celles et ceux qui ont la flemme d'entrer dans le détail, rendez-vous en fin d'article pour le résumé.
Pour les autres, approchez-vous...........
Vous allez voir qu'il faut surtout se fier à son bon sens, et à ses cinq sens (ça fait donc 6 sens en tout, oui). Et vous gaspillerez moins, un bon geste pour la Planète (et votre porte-monnaie) !
Quand un produit cosmétique peut-il devenir dangereux ?
Un produit cosmétique peut "tourner" et devenir """dangereux""" (je mets plein de guillemets, vous ne mourrez pas de produits de beauté périmés, la peau est une barrière efficace et je vais de toutes façons vous donner quelques clés pour éviter cette fin atroce) pour une raison, essentiellement : une contamination bactériologique.
(ou un ajout de cyanure dans la cuve de crème par une personne mal intentionnée)
C'est pour cela qu'on y met des conservateurs.
(il y a quelques autres raisons particulières à cause desquelles un cosmétique peut devenir indésirable et je vous invite pour cela à lire l'avant-dernier paragraphe)
Les conservateurs, principaux garants de la durabilité des cosmétiques.
Même si certains d'entre vous ne les aiment pas trop, les conservateurs sont indispensables pour que vous puissiez conserver votre produit cosmétique dans de bonnes conditions suffisamment longtemps.
Les meilleurs en terme de balance efficacité / innocuité sont les parabènes à chaîne courte, qui malheureusement ont disparu de la plupart des formules, au grand dam de la Profession, sur pression du grand public
(qui s'est fait avoir par des lobbies et marques ayant souhaité surfer sur une étude très mal faite qui les soupçonnait d'être cancérigènes) (notons qu'ils ne sont pas 100% inoffensifs non plus, les conservateurs servent quoiqu'il en soit à tuer des bactéries, et les bactéries ressemblent un peu à nos cellules cutanées...), il y a aussi le MIT
(efficace mais qui va être interdit - ou est déjà interdit, je ne sais plus - car il a trop d'effets secondaires de type eczéma, en particulier chez les enfants), le phénoxyéthanol
(qui se fait attaquer de temps en temps lui aussi, comme tous les conservateurs), l'alcool
(dans les formules Bio allemandes, souvent), dans une moindre mesure la glycérine à partir d'une certaine dose
(mais au-delà de 6-7%, elle rend les textures collantes – quoique, on m'a dit qu'il y avait une nouvelles astuce de formulation pour éviter cela, mais je n'en sais pas plus), les huiles essentielles
(avec les irritations et allergies potentiellement liées et une action de toutes façons limitée), divers acides
(qui comme leur nom l'indique nécessitent une formule à pH acide), d'autres substances acceptées dans les référentiels Bio comme l'alcool benzylique
(mais souvent elles sont assez irritantes), quelques extraits de plantes vaguement efficaces
(ou coupés illégalement au formol, oui ça s'est déjà vu)... J'arrête la liste ici, il y en a plein et j'ai peur de vous avoir déjà perdus avant même d'entrer dans le vif du sujet.
Je précise quand même que les produits estampillés "sans conservateur" soit n'en nécessitent pas parce qu'ils ne contiennent pas d'eau nécessaire au développement bactérien, soit contiennent des conservateurs non listés dans la liste officielle des conservateurs mais on peut considérer, vues leurs propriétés bactéricides, qu'ils en sont bien, soit sont conditionnés dans des flacons airless dans une salle où l'air est particulièrement contrôlé comme dans l'industrie pharmaceutique mais c'est extrêmement rare en cosmétique, ou alors sont stockés dans un emballage à usage unique, pas très écologique à grande échelle.
Que se passe-t-il si un produit est mal conservé ?
Si le système conservateur du cosmétique n'est pas suffisant performant, ce dernier se fait coloniser par des bactéries, des champignons, des levures... Et il commence à tourner : il suinte, et/ou déphase, devient granuleux, change de couleur, d'odeur... ça ne passe pas inaperçu, vous le verrez forcément et n'aurez aucune envie de l'appliquer (si vous le faites quand même parce que vous avez perdu la tête, ce n'est pas très grave la plupart du temps, car comme je le disais plus haut, la peau est une barrière plutôt efficace) (et puis si le produit pique, vous n'en remettrez pas une seconde fois !).
En général, le produit cosmétique se fait contaminer parce que vous avez mis les doigts dedans. Car niveau production, à quelques exceptions près pas très sérieuses, c'est toujours très propre et contrôlé.
Donc tant que vous n'avez pas ouvert le produit, d'une manière générale, vous ne risquez rien (sauf si vous retrouvez la crème Oil of Olaz de votre grand-mère stockée dans son armoire de salle de bain depuis 1984) (... encore que).
Vous déduisez également du paragraphe pré-précédent que le choix d'un tube ou mieux, d'un flacon-pompe ou d'un emballage à usage unique, limitera plus le contact avec les doigts pleins de bactéries que celui d'un pot.
A savoir aussi, pour votre culture générale : on met souvent plus de conservateurs dans un pot que dans un tube ou un flacon-pompe, justement pour anticiper ce genre de désagrément, donc en réalité, vous ne risquez pas trop de contaminer votre peau avec un produit stocké dans un pot, mais par contre vous vous appliquez probablement une plus forte dose de conservateurs.
La clé de la durabilité : de l'eau, ou pas ?
Maintenant que vous êtes rassurés, entrons un peu dans le détail pour mieux évaluer vous-même si un produit cosmétique est bon à jeter ou pas encore, malgré un dépassement de date de péremption.
Il y a une chose principale à savoir : les bactéries, pour se développer, ont besoin comme nous d'eau et de nourriture (du gras d'origine naturelle, des extraits de plantes...), et d'un milieu de vie plutôt sympa (pas trop acide, pas trop alcoolisé...). Retenez surtout qu'elles ont besoin d'EAU.
Du coup, les formules SANS EAU ne risquent pas vraiment de se faire contaminer puisque les micro-organismes ne peuvent y survivre.
Les formules sans eau
Il s'agit essentiellement de produits de maquillage, des huiles et des savons.
Vos fards à paupières, fonds de teint poudre, crayons secs yeux et lèvres, huiles (attention à la mode actuelle des fausses huiles qui contiennent aussi de l'eau, à vérifier sur la liste d'ingrédients), la plupart de vos rouges et baumes à lèvres solides (on commence à y mettre un peu d'eau parfois mais pas suffisamment en général pour permettre une contamination bactérienne), certains mascaras notamment waterproofs, le talc, la plupart des savons... (et j'en oublie, n'hésitez pas à me dire en commentaire ce qu'il manque), vous pouvez les garder aussi longtemps que vous le souhaitez... jusqu'à ce que vos sens (le bon et les 5) vous indiquent de vous en débarrasser.
Personnellement - et je vous jure que c'est vrai, j'utilise encore un talc Poupina que j'avais récupéré en stage en l'an 2000 (!!) pour me poudrer les aisselles avant épilation à la cire (pardon pour ce détail pas glamour mais vous vous demandez certainement comment il peut m'en rester après tout ce temps, c'est juste que je ne l'utilise pas souvent et en faible quantité).
J'utilise aussi encore des crayons yeux et lèvres que j'avais achetés avant l'ouverture de ce blog, il y a donc au moins 6 ans et demi. Ils sont nickels.
Les rouges à lèvres et les huiles dureront probablement moins longtemps que les poudres (considérons que les crayons sont de la poudre compressée), parce que l'huile rancit avec le temps, surtout si elle est d'origine végétale, prend alors une odeur pas toujours sympa, modifie la texture du produit, et sa couleur, parfois, mais dans ce cas, comme je le disais plus haut, vous vous en apercevrez et jetterez le produit d'office.
Moi, j'ai gardé certains rouges à lèvres des années ! Plus de 5 ans avant qu'ils ne soient plus très "cosmétiques", qu'ils soient plus secs, ne glissent plus trop bien, et que je décide de les mettre à la poubelle. Ceci dit, je n'aurais rien risqué à continuer à les appliquer - à part un rendu visuel pas terrible.
Niveau efficacité, en général les actifs sont hyper stables en milieu anhydre (sans eau). Pour les poudres, pas de problème, pour les huiles, il peut y avoir des pertes d'efficacité car elles évoluent dans le temps.
A noter : ces formules anhydres ne contiennent souvent pas de conservateur. Ou alors si, par excès de zèle de la part du fabricant, mais c'est inutile (ou alors ça peut l'être parce qu'ils conseillent d'appliquer le fard avec une éponge humide, par exemple - encore une fois, le bon sens, le bon sens...).
Les formules avec de l'eau
Il s'agit de la plupart de vos soins et produits d'hygiène : crèmes, sérums, shampoings, laits, lotions, fonds de teint fluides, BB creams, certains gloss, certains mascaras...
Si ces formules ne contenaient pas de conservateurs, elles se feraient vite contaminer (pensez au devenir d'aliments sans conservateur ajouté qui contiennent de l'eau et que vous laisseriez sur la table de votre cuisine - du pain ou des fruits, par exemple).
Avant d'être mis sur le marché, les produits cosmétiques ont subi une batterie de tests, notamment le fameux "challenge test" qui consiste à inoculer dans la formule des bactéries / levures / moisissures (bon appétit) que l'on peut potentiellement y retrouver après la production ou pendant l'utilisation du produit, et à vérifier dans quelle mesure le système conservateur arrive à les faire disparaître, ou au moins empêcher leur prolifération. Si la formule ne passe pas le challenge test haut la main, son système conservateur est retravaillé.
Tant que le produit contenant de l'eau et des conservateurs efficaces n'est pas ouvert, il n'y a pas vraiment de risque de contamination bactérienne (sauf s'il a été stocké dans des conditions climatiques extrêmes, ce qui est quand même peu probable en France, Belgique, Québec, Suisse..., un peu plus probable dans les pays en voie de développement où la réglementation serait moins stricte et/ou moins respectée).
Une fois ouvert, peu de risques non plus, à condition de bien faire attention à avoir les mains propres lors de l'utilisation et à ne pas le stocker derrière la fenêtre de la salle de bain humide plein sud pendant 3 mois de canicule.
Niveau efficacité (anti-âge, hydratante, amincissante...), elle va peu à peu être réduite avec le temps, car la formule est "vivante", les ingrédients interagissent entre eux, certains actifs vont perdre en performance, mais en général, même 2 ou 3 ans après, voire plus, on garde une certaine efficacité.
Vous pouvez donc garder vos formules avec eau plus de temps que le fabricant ne l'indique (principe de précaution tout à fait normal de sa part - comme dans l'industrie alimentaire) (d'ailleurs moi je n’hésite pas à manger des yaourts 8-10 jours après la date de péremption et je sais que je ne risque rien, pas vous ?) (et même un jour, pour rigoler, j'ai mangé une portion de fromage frais oublié au fond du frigo du bureau et périmée depuis plusieurs mois, il était tout ratatiné, mais toujours bien emballé dans son emballage individuel, ce n'était pas hyper mauvais, et je n'ai eu aucun problème digestif).
Encore une fois, et ce sera le leitmotiv de la journée, fiez-vous à vos sens : si le produit semble conforme (texture homogène, odeur agréable, pas de picotement...), pas de problème, il risque juste d'être un peu moins efficace.
Les peaux sensibles feront un peu plus attention quand même.
Et d'une manière générale, on fera plus attention pour les produits visage (notamment les contours des yeux) que les produits corps et cheveux.
Encore un exemple personnel : j'ai laissé dans les maisons de campagne de la famille que je visite une fois par an divers shampoings, après-shampoings, laits corps et huiles pour éviter de me les trimbaler à chaque fois. Certains ont été entamés il y a 3-4 ans, et ils n'ont pas bougé. Par contre j'amène systématiquement mes produits pour le visage.
Les cas particuliers à ne pas prendre à la légère !
NE ZAPPEZ PAS CE PARAGRAPHE.
Car il y a toujours des exceptions à la règle.
Ne dépassez pas la DLUO (date limite d'utilisation après ouverture) ou plutôt PAO (Période après Ouverture) comme on dit en cosmétique pour les produits avec protection solaire (SPF), d'autant plus si vous les avez laissés traîner sur la plage en contact avec les éléments (chaleur, sable, eau de mer, petites bêtes diverses), ou sur la plage arrière de la voiture en plein soleil. Les filtres solaires sont peu stables, au bout d'un moment (rapidement), votre protection 30 ne sera plus que du 12 et là, bonjour les méfaits des UVB et UVA (et je ne parle pas que des coups de soleil) !!!
J'avoue qu'il m'arrive quand même de garder un produit solaire entamé d'une année sur l'autre mais je le stocke au frais, je vérifie qu'il n'a pas tourné et je pars du principe (arbitraire) dans ce cas-là que son SPF est divisé par 2.
Faites également attention avec les crèmes dépilatoires. Je ne suis pas très calée en la matière mais comme ce sont des produits hyper irritants et toxiques, on n'hésite pas à les jeter en cas de dépassement de la PAO.
Ou les produits avec actifs connus pour leur instabilité comme la vitamine C (ascorbic acid) ou le rétinol. Qui doivent souvent être utilisés rapidement après achat / ouverture.
Idem avec les crèmes dermatologiques (acné, psoriasis...), qui ne sont pas des cosmétiques mais des médicaments.
Attention aux produits pour le contour de l’œil, zone plus sensible. En général, les fabricants vous indiquent 3 à 6 mois de PAO, vous pouvez dépasser un peu selon ce que vos sens vous diront, mais pas trop non plus.
Et si vous avez la peau très sensible, ou des problèmes dermatologiques, respectez bien les PAO.
En résumé
(parce que je n'ai pas été très concise dans cet article ;))
- On peut la plupart du temps dépasser sans aucun risque les PAO indiquées par les fabricants, qui sont toujours très prudents par principe de précaution (comme en alimentaire - on vit dans une société ultra-sécurisée).
- On fait confiance à ses 5 sens : vue (aspect : la texture est-elle toujours homogène, le produit a-t-il épaissi, séché, la couleur a-t-elle changé...), odorat (le produit dégage-t-il une odeur bizarre), toucher (est-ce que ça pique, ça chauffe...), ouïe (est-ce que ça crépite - je plaisante ;)), goût (les produits lèvres ont-ils un goût rance...). Tant le le produit ne semble pas avoir évolué, on peut continuer à l'utiliser, et si on estime que le produit a bougé, on le jette.
- Pour les produits sans eau (la plupart des poudres, huiles, savons, rouges à lèvres, crayons...) : vous pouvez les garder tant que vos sens ne vous indiquent pas de les jeter, 5 ans après ouverture si ça vous chante, voire plus. Youpi.
- Pour les produits avec eau (crèmes, lotions, shampoings, masques, sérums, laits, fonds de teint fluide...) : vous pouvez les garder également plus longtemps que la PAO indiquée (qui est souvent de 12 à 18 mois), mais ils sont plus susceptibles d'évoluer ou de se faire contaminer, donc soyez un peu plus prudents. Le système conservateur reste efficace très longtemps, vous risquez de perdre un peu en efficacité, mais rien de bien méchant en général. Faites appel à vos 5 sens pour trancher.
- On respecte par contre bien la PAO pour les produits avec protection solaire (SPF) et les crèmes dépilatoires. Et on fait attention à leurs conditions de stockage.
- On fait aussi bien attention si on a la peau réactive, des problèmes dermatologiques, et pour les produits avec eau qui s'appliquent sur le contour des yeux.
A vous de jouer !