Petit article rapide suite à la dernière enquête de Que Choisir sur la toxicité des cosmétiques. Je ne voulais pas rebondir dessus car j'ai déjà abordé le sujet qui revient régulièrement et finit par m'ennuyer profondément et je n'ai pas grand chose à ajouter, mais j'ai dû y répondre ce matin dans un cadre professionnel, du coup je suis en plein dedans, autant vous en (re)toucher un mot ici aussi, pour celles et ceux qui seraient précédemment passés à côté.
Tout d'abord je voudrais vous dire ceci :
J'ajouterais : "anyway...".
Et aussi : "but not from cosmetics, don't worry."
L'étude de Que Choisir est intéressante pour le grand public qui ignorerait encore que certaines molécules, dans toutes les industries, peuvent avoir des effets secondaires à long terme. Elle est en grande partie basée sur des vérités scientifiques et épidémiologiques qu'il est bon parfois de rappeler, et si elle peut pousser certains industriels à faire plus attention à leurs formules, tant mieux.
EN REVANCHE.
Elle n'est aucunement étonnante, elle m'a fait bailler, vraiment rien de nouveau sous le soleil.
Et surtout : elle est hyper anxiogène, avec certains éléments approximatifs, non prouvés ou confusants, et a une forme plutôt "à charge", ce qui est bien dommage car elle fait beaucoup de tort à une industrie qui n'en mérite pas tant et qui est quand même - on ne le sait pas toujours - l'une des plus réglementée et des plus transparentes. Bien plus que l'industrie alimentaire, par exemple.
La réglementation cosmétique évolue par ailleurs très régulièrement avec les avancées de la Recherche. Et il n'y a jamais eu de scandale sanitaire grave lié à un produit cosmétique (pas de vache folle, de dioxine, de cheval caché, de sang contaminé...).
N'oublions pas non plus que tous les produits cités dans l'étude respectent la loi, et aucun industriel (= être humain doué d'un cerveau et d'un cœur) n'a réellement envie d’empoisonner ses consommateurs à petit feu pour faire plus de profit comme on essaye parfois de nous le faire croire.
En réalité, la Profession, même si elle n'est pas parfaite, s'auto-régule plutôt très bien.
Par exemple, concernant les allégations mensongères (un classique reproché à l'industrie cosmétique), un rapport indépendant de l'ARPP (bureau de vérification de la publicité) montre qu'on est de très bons élèves en France : 98.7% de conformité en 2015 ! Cela vous étonnera peut-être - comme ça m'a aussi beaucoup étonnée (!!!), moi qui suis la première agacée par les sur-promesses. Je précise que les publicités étudiées étaient quand même toutes issues de la presse papier, que donc seules les marques avec un minimum de succès commercial ont les budgets pour se payer de telles pages et un bon service réglementaire, et je sais que les manquements aux règles des allégations se font plus souvent chez les tout petits non visés par cette étude, pas par volonté de tromper mais par manque de connaissance et de moyens.
Autre exemple d'auto-régulation : avant même que la loi n'impose quoique ce soit, la plupart des marques ont décidé par elles-même, sur conseil de la FEBEA dès 2013, de supprimer de leurs formules le conservateur MIT suite à des intolérances chez certains enfants (eczéma notamment). Après, ça prend un peu de temps à substituer si on veut le faire sérieusement, c'est pour cela que vous trouvez encore de nombreux produits cosmétiques avec MIT sur le marché. Oui, parce que après avoir remplacé les parabènes à chaîne courte dont la toxicité n'a jamais été avérée par le MIT qui s'est montré d'une innocuité discutable, par quoi remplacer le MIT ? Vaste question... Pas facile. ll n'y a pas de conservateurs idéaux, y compris et peut-être plus encore dans le Bio. Les conserveurs sont faits pour tuer ou limiter la prolifération de germes pathogènes, donc jamais totalement inoffensifs. Mais ils sont indispensables pour une bonne conservation et une bonne innocuité des produits.
Je voudrais aussi revenir sur une confusion qui est souvent faite, au sujet des allergies. Dans l'étude de Que Choisir, ils mélangent un peu molécules potentiellement allergisantes (= pour une infime part de la population, inoffensives pour tous les autres : nickel, blé, arachides, fruits de mer...) et molécules vraiment toxiques (pour tout le monde : nicotine, acide sulfurique...). Est-ce qu'on va arrêter la commercialisation de fraises ou de cacahuètes parce que quelques personnes y sont allergiques ? Non bien sûr. Allergique ne veut pas dire toxique. Donc pour les 26 "allergènes" listés par la réglementation et quelques autres, c'est pareil. D'autant plus que la plupart proviennent d'extraits de plantes largement utilisées, notamment dans les parfums (rose, agrumes...). Ce ne sont pas des "substances indésirables", "à éviter" comme l'annonce Que Choisir. Ils sont juste plus allergisants que d'autres molécules. Les personnes qui y sont allergiques doivent arrêter de les utiliser, et c'est notamment pour cela qu'il y a une liste d'ingrédients obligatoire sur les emballages.
Concernant le sodium lauryl sulfate (SLS) classé comme irritant : c'est vrai, en termes toxicologiques purs, mais ça dépend de sa dose, des associations avec d'autres tensioactifs, du reste de la formule, du mode d'application (âge, zone du corps, rincé ou non...). Un produit avec SLS est parfois un peu décapant (un peu, pas "méga-irritant") mais peut aussi être très doux. Or comment est interprété "irritant" par le grand public ? "Irritant" comme de l'acide chlorhydrique ? Est-ce que l'un d'entre vous a déjà eu le cuir chevelu brûlé par un shampooing avec SLS ?
Concernant le sodium lauryl sulfate (SLS) classé comme irritant : c'est vrai, en termes toxicologiques purs, mais ça dépend de sa dose, des associations avec d'autres tensioactifs, du reste de la formule, du mode d'application (âge, zone du corps, rincé ou non...). Un produit avec SLS est parfois un peu décapant (un peu, pas "méga-irritant") mais peut aussi être très doux. Or comment est interprété "irritant" par le grand public ? "Irritant" comme de l'acide chlorhydrique ? Est-ce que l'un d'entre vous a déjà eu le cuir chevelu brûlé par un shampooing avec SLS ?
Je pourrais encore en écrire encore des tonnes, mais comme j'avais promis un "petit article rapide" (mouhahaha) et qu'on a déjà abordé le sujet ici à plusieurs reprises, je vais m'arrêter là et vous inviter à (re)lire, si ça vous intéresse, les articles déjà publiés sur (dé)maquillages.
Interview en 2 parties d'un toxicologue indépendant :
- Comment reconnaître un produit toxique, comment évalue-t-on la sécurité des produits, que signifie réellement la mention "hypoallergénique"...
- Le point sur les molécules à polémique (parabènes, silicones...) (à l'époque de l'interview, en 2010, le MIT était peu présent en cosmétique donc on ne l'a pas évoqué)
Interview de l'allergologue de Bioderma pour bien comprendre la différence entre allergie et irritation.
Un article de Elle sur les perturbateurs endocriniens.
Un article récent (25/02/16) qui fait le point sur les molécules pointées du doigt dans l'article Que Choisir.
Un de mes artciles au sujet des "bonnes pratiques de formulation" du SLS (tensioactif sulfaté).
Un article récent (25/02/16) qui fait le point sur les molécules pointées du doigt dans l'article Que Choisir.
Un de mes artciles au sujet des "bonnes pratiques de formulation" du SLS (tensioactif sulfaté).
Et aussi mes billets de (mauvaise) humeur au sujet de "l'anxiogénisme" contre la cosmétique :
Petite précision pour celles et ceux qui arriveraient ici sans me connaître, et qui pourraient penser que je suis vendue au Grand Capital de la Beauté :) : mon avis est celui d'une professionnelle, biologiste spécialisée en cosmétologie, en contact avec des toxicologues et chercheurs depuis plus de 15 ans, et qui prône une cosmétique sûre avec, dans la mesure du possible, le plus d'ingrédients naturels possible, même si je n'ai rien ou pas grand-chose contre les produits de synthèse quand ils sont utilisés à bon escient.
Par exemple, ce n'est pas moi qui vous inciterai à appliquer quotidiennement en hiver une crème avec des filtres chimiques SPF30 à cause justement de leur effet œstrogénique potentiel, et surtout de l'effet cumulatif avec d'autres molécules - indépendamment de la cosmétique - pouvant également agir comme perturbateurs hormonaux. Je vous inviterai à le faire en revanche en cas d'exposition solaire entre disons avril et octobre (terrasse, plage, montage...), en privilégiant les filtres minéraux qui eux sont biologiquement inertes. Je vous expliquerai que si vous appliquez de temps en temps des filtres chimiques, comme je le fais moi-même l'été, ce n'est quand même pas bien grave, le plus important c'est de vous protéger des méfaits du soleil. Vous ne mourrez pas pas de l'application de benzophénone. Certaines molécules que vous ingérez (alimentation - pesticides etc, pharmacie) ou inhalez (produits détergeant, pollutions diverses...) sont bien pires que celles que vous appliquez sur la peau, peau qui par ailleurs est une barrière naturelle, certes imparfaite, mais barrière quand même contre les éléments étranger.
Je finirai par une dernière remarque au sujet de cet article de Que Choisir : comme par hasard, en octobre dernier, 60 millions de Consommateurs faisait exactement le même genre de papier. Ça a énormément buzzé, tout le monde en a parlé, les magazines se sont vendus comme des petits pains. C'est très bon pour le business. Bisous.


