Il y a ceux qui pensent un peu naïvement que les plus pauvres, et en particulier au sud de la Planète, n'ont pas l'opportunité / l'envie / les moyens (...) de prendre soin d'eux. Ils se trompent. Au contraire, être présentable, propre, le cheveu lisse, est essentiel quand on n'a pas grand-chose, non seulement pour une simple question d'hygiène (souvent l'intérieur des maisons est aussi très propre, d'ailleurs, la propreté étant le meilleur moyen de prévention contre les maladies quand on peut difficilement se faire soigner), pour se sentir bien dans sa peau, garder sa dignité, montrer que l'on respecte l'autre... J'ai pu le constater lors de mes multiples voyages.
A Madagascar, j'ai rencontré toutes sortes de femmes. Souvent assez (très) démunies - vous savez peut-être que ce pays, suite notamment à des successions de crises politiques, est l'un des plus pauvres de la Planète et que (malheureusement) ça ne risque pas de changer de si tôt.
Je disais souvent aux jeunes filles et aux femmes que je croisais : "Ampela soa, anao" ("Vous êtes très belle !"). Parfois elles détournaient un peu la tête, rougissantes mais le sourire aux lèvres, et la plupart du temps elles éclataient de rire, ravies de ce compliment venant d'une parfaite inconnue - d'une vasaha (étrangère) en plus, et les autres femmes, autour, répétaient cette phrase magique en se marrant. Je crois que ça leur faisait vraiment plaisir.
A Madagascar (Mada pour les intimes), on trouve des produits de beauté un peu partout, même dans les villages isolés du Moyen-Ouest qui se situent à 5-6 jours (je n'exagère pas) de taxi-brousse de la Capitale au bout de pistes complètement défoncées et/ou 100% sableuses, là où les fruits et légumes qui ne poussent pas sous ce climat n'arrivent même pas.
On en trouve dans les épiceries de villages (et les "épi-gargottes" comme ils disent, des épiceries restaurants - ce mot me fait trop rire), sur des étals spécifiques de marchés, et dans les grandes villes dans des (rares) parfumeries et (rares) grands magasins. Il y a quelques produits en pharmacie aussi.
Il y a également pas mal de coiffeurs, parfois dans des lieux assez improbables...
On trouve des marques occidentales, les mastodontes de grande surface que sont Nivea, Dove, Garnier ou Elsève (regardez le cabanon entièrement sponsorisé Elsève !), et quelques marques spécifiques peaux noires / cheveux crépus comme Dark & Lovely (qui appartient à L'Oréal, groupe omniprésent sur l'île - héritage français ?). Ça, c'est pour les portefeuilles plutôt garnis. Les moins aisés achètent des marques chinoises ou indiennes de piètre qualité.
Il y a une marque locale, sérieuse, que j'ai bien aimée : Homeopharma. Ils ont leurs propres magasins, sont spécialisés dans les huiles essentielles et proposent des produits de bien-être et de beauté. C'est un peu cher, enfin, "cher", env. 10 000 ariary (3,30€) le flacon d'huile essentielle de Ravinstara par exemple. Les produits cosmétiques sont formulés et fabriqués dans une usine près d'Antananarivo, la capitale.
On trouve également sur les étals des produits plus simples, qui semblent artisanaux, comme ces savons tout ronds...
... ou ces drôles de boules, appelées "quatre feuilles", que l'on met dans
l'eau du bain et que l'on boit infusées pour (se) décontracter - et qui
serviraient aussi, si j'ai bien compris, à avorter (ne pas prendre à la légère les recettes de plantes malgaches !).
Chez les populations les plus démunies, les soins de beauté ne se limitent pas comme on pourrait l’imaginer à une hygiène basique eau + savon, car les femmes savent trouver dans la Nature toutes sortes de plantes pour se soigner et s'embellir. Et elles adorent partager leurs secrets de beauté, ce qui a fait de moi une heureuse, vous imaginez bien.
Par exemple, dans un village de pêcheurs du sud-ouest de Mada, Salary, quand j'ai abordé le sujet des nombreuses plantes médicinales qui parsèment l'Île, Claire a prélevé quelques feuilles dans l'arbuste qui était à côté de nous ("farehitra"), qu'elle a malaxées dans un peu d'eau - ce qui a instantanément donné une sorte de gel transparent, et nous a expliqué que c'était un remède contre les pellicules et l'alopécie.
Elle m'a aussi montré comment on fabriquait le fameux "masque" que de nombreuses Malgaches s'appliquent sur le visage et conservent toute la journée pour se protéger du soleil et purifier la peau. Ce n'est pas de l'argile, contrairement à ce que je pensais : ce sont des extraits de bois et d'écorces.
Il y a plusieurs recettes. Celle de Claire est assez complète puisqu'elle associe 4 essences, 2 écorces et 2 bois (pardonnez-moi d'avance si je les orthographie mal) : le kolimba (ou cari, jaune), le masonjoany (blanc), le holikily (écorce de tamarin, blanc), le fihami (ficus, rouge). Elle frotte les écorces / bois humidifiés sur une pierre ("pas lisse, la pierre, hein, ça doit gratter"), et elle applique le mélange sur son visage. Elle m'a laissé ces 4 essences, j'essaierai un jour sa recette - enfin plutôt pour le côté purifiant car hors de question que je sorte avec !
La plupart du temps, les femmes n'utilisent qu'une seule essence, et souvent c'est le masonjoany - qui semble aussi être le nom "générique" du masque en question. Et il existe aussi des "masonjoany" tout prêts, en crème, vendue en vrac.
Les femmes malgaches, comme dans tous les pays du Sud, prennent particulièrement soin de leur chevelure. Elles ont les cheveux plutôt lisses quand elles ont des origines indonésiennes (schématiquement, sur les Hauts Plateaux de l’Ile) et crépus si elles ont des origines africaines (sur les côtes). Et le métissage est tel que beaucoup d'entre elles ont des cheveux très frisés mais pas complètement crépus. Le point commun à ces chevelures : beaucoup de volume et une fibre souvent sèche. C'est pourquoi elles les nourrissent et les "domptent" avec des huiles, notamment de l'huile de coco, vendue en sachet unidose à 200 Ariary (0,06 €) ou en vrac. Ou avec des crèmes capillaires industrielles sans rinçage, sur lesquelles n'étaient pas notées les compositions, mais j'imagine que c'est un mélange eau / huile pétrochimique peu coûteux (et ça passe pour des produits plus haut de gamme que l'huile végétale, forcément...).
Les cheveux des hommes sont ras et ceux des femmes souvent tressés (des tresses assez grosses), ou au moins attachés. Certaines fillettes gardent les cheveux au naturel, et on les surnomme parfois "rasta", comme la petite sur la photo. Par le passé, on disait des enfants qui gardaient les cheveux indisciplinés (ce qui formait à la longue des dreadlocks), que leurs anges-gardiens les coiffaient.
Côté maquillage, c'est très limité. Sauf pour les classes aisées qui doivent représenter 5% à tout casser de la population. La seule fantaisie qu'elles s'autorisent parfois, c'est... (je vous laisse deviner...), le vernis, oui ! Beaucoup moins qu'à Cuba où c'est la folie (souvenez-vous), plus simplement (du nail art de +/- bon goût à Cuba, des aplats simples de couleurs à Mada) mais quand même, et même chez les populations un peu isolées, même chez les petites filles. Bon, en général, c'est plutôt un reste de vernis qu'elles arborent, des traces dorées ou orangées au milieu de l'ongle (elles ne le dissolvent pas).
Avec Fleur, mon acolyte pour ce voyage, nous avons eu l'idée (quand nous devions patienter un moment pour attendre un bac par exemple - je ne vous raconte pas la patience qu'il faut avoir sur la route à Madagascar...) de proposer aux fillettes des "ateliers vernis". Elles adoraient, elles faisaient la queue, et même les garçons en voulaient (dans ce cas on n'en mettait que sur un ongle) ! Et ensuite on laissait à la communauté les 2 vernis utilisés. On savait que ceux-ci seraient équitablement partagés, vous ne pouvez pas imaginer à quel point les enfants savent partager là-bas.
Je vous transmet l'idée pour vos futurs voyages, ça permet des contacts (rapides mais) très conviviaux avec la population, vous savez que vous ferez plaisir à tous les coups, et par ailleurs ça change des rapports purement économiques (mendicité, petit commerce...) qu'ils ont habituellement avec les touristes. :)
Héritage des colons français, il y a aussi à Mada quelques villes thermales, dont les infrastructures ont été créées en général fin XIXè, par exemple à Ranomafana, où vous pouvez prendre un bain d'eau thermale naturellement à 48° (tellllement chaud que personnellement je n'ai pu que tremper mes pieds, mais Fleur a réussi à s'immerger complètement !) ou vous faire masser par des kinés (massages assez basiques, il n'y a pas de traditions de massage à Madagascar).
Voilà pour mon expérience beauté à Madagascar, et si je pense à autre chose dont j'aurais oublié de vous parler, je ferai un petit edit à cet article !