vendredi 20 mars 2009

LE B-A BA DES BREVETS COSMETIQUES

Petit point technique sur les brevets. Toutes les marques cosmétiques en revendiquent, et parfois même en font le principal argument marketing d’un produit. Mais qu’est-ce que c’est exactement, un brevet ? A quoi ça sert, sous quelles conditions peut-on en déposer, combien ça coûte ? 
Les explications de Magali Touroude du Cabinet Passeraud, Ingénieur EBI et Mandataire Agrée auprès de l’Office Européen des Brevets. 
[EDIT 2015 : après Plasseraud, Magali a créé le cabinet Simodoro, puis a passé 2 ans chez L'Oréal et vient de créer un nouveau cabinet, Touroude & Associates - mt@touroude-associates.com]


Quand sont apparus les brevets ? 

Un brevet, c’est un deal entre un inventeur et l’Etat. Le principe est apparu à la fin du 18ème siècle en France pour éviter que les inventions ne disparaissent avec leurs inventeurs.
En effet, un individu qui avait découvert un nouveau procédé ou une formule inédite se gardait bien alors de le révéler autour de lui, afin d’en garder l'exclusivité et de ne pas être copié. Et quand il mourait, s’il n'avait pas pris soin de la transmettre à quelqu'un où de la poser par écrit, l’invention disparaissait avec lui.
Ce phénomène freinait donc véritablement le progrès en matière de sciences et techniques, puisqu'il fallait continuellement réinventer la roue.
L’Etat a donc mis en place le système des brevets, un moyen en réalité d’inciter les inventeurs à divulguer leur invention par écrit et de manière très claire, afin que tout un chacun puisse la reproduire au besoin. En échange, l’inventeur avait la garantie de l’Etat que les contrefacteurs de l'invention brevetée seraient punis, et ce, pendant 20 ans.

Peut-on déposer un brevet tout seul ? 


En général, l’inventeur fait appel à un cabinet de conseil en propriété industrielle. Il peut rédiger le brevet et le déposer seul, mais nous le déconseillons fortement car il faut être très pointu sur le droit des brevets et bien sûr, connaître la concurrence et les brevets déjà déposés. C’est un peu comme si un accusé se défendait sans avocat devant un tribunal. Chez Plasseraud, nous conseillons aussi bien des start-up en biotechnologie, que des multinationales de l’alimentaire, des PME cosmétiques, des universités, des instituts de recherche publique ou des inventeurs indépendants.

Peut-on tout breveter ?


Le premier critère de brevetabilité est la nouveauté. C’est à dire que le secret ne doit jamais avoir été divulgué (via une discussion, même informelle, sur un blog, dans un article…). Ensuite, il y a 3 types d’inventions brevetables :
  • Nouveau produit : par exemple, un nouveau principe actif extrait d’une micro-algue.
  • Nouvelle utilisation : par exemple, l’application antirides de cet extrait de micro-algue.
  • Nouveau procédé : par exemple, la méthode d’extraction de cet actif de micro-algue.
Mais attention, tout n'est pas brevetable : on ne peut pas breveter la découverte du mécanisme d'action de l'effet antirides de cet extrait de micro-algue.

Comment se passe le dépôt de brevet ? 

Une fois les critères de brevetabilité validés, nous rédigeons le brevet puis le déposons à l’Office Français des Brevets (INPI) ou à L’Office Européen (OEB). S’engage alors un dialogue avec un examinateur qui donne son opinion et ses objections. Le but du cabinet est alors de répondre à ces objections pour convaincre l’examinateur du bien-fondé de l’invention. Si tout va bien, le brevet est alors délivré.

Dans quelle mesure une invention est-elle protégée par un brevet ?


Un brevet est une arme : il sert à empêcher les tiers (= les concurrents) de produire, commercialiser ou importer un même produit, de copier un procédé ou une revendication.
Si un contrefacteur est découvert, s’amorce la phase de litige : le cabinet intervient pour récolter les preuves de la contrefaçon. Il peut par exemple obtenir l’ordonnance d’un juge qui l’autorise à aller chercher des preuves directement dans une usine : ouvrir les fûts, prendre des photos, regarder le contenu des ordinateurs (en présence d’un huissier de justice, du conseil en propriété industrielle, voire d’un commissaire de police)… Sinon, plus simplement, acheter le produit incriminé en magasin. Ensuite, le cabinet assiste l’avocat pour rédiger sa plaidoirie pour le procès en contrefaçon.

Combien coûte un dépôt de brevet ? 


Un dépôt simple en France revient à 6000 € sur 5 ans (taxes + honoraires). Pour un brevet en Europe, aux Etats-Unis, au Canada et au Japon, il faut compter pour la totalité de la procédure (environ 5 ans) un total de 80 à 120 000 €. Ensuite, il convient de payer une taxe annuelle pour maintenir le brevet en vie dans chacun des pays.
L’invention est alors protégée pendant 20 ans dans les pays où un brevet aura été déposé. Ensuite, elle tombe dans le domaine public et n’importe qui peut légalement la copier.

Que peux-tu nous dire sur les brevets de l’industrie cosmétique ? 


En cosmétique, il y a plus de brevets sur des nouveaux produits que sur des procédés, car il est plus facile de prouver que 2 produits sont identiques plutôt que 2 procédés (auquel cas il faut faire des recherches techniques approfondies, et obligatoirement une saisie de contrefaçon dans l'usine du contrefacteur présumé).
Mais la majorité des brevets concernent en fait une nouvelle utilisation d’un produit qui existe déjà. Par exemple, l’application anti-vergetures d’un extrait de micro-algue connu jusqu’ici comme antirides.
Le plus gros déposant de brevets en France en cosmétique est L’Oréal (600 brevets par an environ).
Pour les grandes entreprises, le brevet est une stratégie bien rodée. Il s’agit d’une part d’un outil marketing : la revendication d’actifs brevetés valorise le produit. D’autre part, c’est une véritable offensive à l’encontre de leurs concurrents, qui consiste à protéger de la manière la plus large possible une invention : elles ne déposent pas qu’un seul brevet sur un nouvel actif, par exemple, mais également tout un tas d’autres brevets sur ses activités éventuellement antirides + anti-vergetures + hydratante + son application dans un produit solaire etc… (même si tout cela n’a pas encore été vérifié). Au cas où ils trouveraient une telle activité !.. Mais aussi pour « noyer le poisson », pour éviter que les concurrents sachent sur quelle activité elles sont en train de travailler.

Quelles sont les derniers brevets qui t’ont bluffés dans le monde cosmétique ? 


Ceux de Icy Beauty, marque qui a malheureusement aujourd’hui disparu : un concept intéressant car il associait un nouveau packaging auto-réfrigérant à une formule spécifique. C’est cette combinaison qui faisait des produits totalement originaux. Le pack brevets était blindé (17 brevets). Difficile pour les concurrents de copier... Et un brevet déposé par une grande marque, inspiré de la thérapie génique : ils ont développé un fragment d’ARN capable d’aller au cœur de la cellule inhiber un gène déficient qui provoque une surdose de mélanine, donc des taches pigmentaires sur la peau.

Rendez-vous sur Hellocoton !

19 commentaires:

  1. Ce "décryptage" spécial brevet m'a permis de comprendre certains aspects qui me dépassaient complétement ! Merci

    RépondreSupprimer
  2. bonjour,
    merci pour toutes ces explications.
    Ma question est la suivante : si en faisant un mélange de graines de plantes avec rajout de sucre, eau qui a guérit à
    95 % en trois semaines ma mycose des ongles qui elle a persisté plus de 20 ans peut-on dire que cette lotion est brevetable.
    Merci pour votre réponse

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ça dépend des plantes, si elles sont déjà connues pour traiter les mycoses, ce n'est pas brevetable. Mais un extrait végétal est brevetable. Il faut voir ça avec un cabinet de propriété industrielle.

      Supprimer
  3. bonjour,
    merci, pour tous les renseignements et surtout la démarche à suivre concernant le brevet

    RépondreSupprimer
  4. bonjour,
    Merci d'avoir répondu aussi rapidement, mes plantes à ma connaissance n'ont pas été utilisées pour traiter les mycoses (car j'ai regardé sur le site concernant les brevets anciens et nouveaux) mais je pense qu'une personne agrée de l'INPI pourra plus répondre à cette question.
    Pour ma part, quand vous dîtes extrait végétal est-ce par exemple huile essentielle uniquement.
    ex : si ma plante est du thym dois-je utiliser l'huile essentielle de thym
    autre ex : olivier dois-je utiliser l'huile d'olive mais si ce n'est pas une huile essentielle.
    Merci encore pour votre réponse.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je vous suggère de voir tout cela avec un cabinet, qui saura vous répondre.

      Supprimer
  5. peut-on passer par vos services pour savoir si une invention est brevetable ou pas
    merci

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Non ça dépasse mes compétences. Contactez un cabinet, par ex Simodoro justement : http://www.simodoro.com/fr

      Supprimer
  6. Bonjour, je suis esthéticienne et mon salon propose des soins 100% Bio que je crée moi même à base d'un bouquin de chez terre vivante. Est ce que j'ai besoin d'un brevet pour créer mes produits qui ne seront absolument pas vendue, c'est un usage immédiat sur cliente.

    Merci de votre aide

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour, vous n'avez pas besoin de brevet par contre vous devez respecter la réglementation cosmétique y compris pour un usage en institut. Je vous invite à contacter la FEBEA qui vous renseignera sur les démarches à suivre. http://www.febea.fr/

      Supprimer
  7. est-ce que c'est pareil pour la Belgique ? car mon institut ce trouve en Belgique et je suis Belge.

    Merci à vous

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, législation européenne. http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex:32009R1223

      Supprimer
  8. Bonjour, peut-on breveter une huile végétale que personne n'a encore extraite ni utilisée. son usage sera cosmétique en raison de sa composition.
    Merci

    RépondreSupprimer
  9. Bonjour, le fait de simplement extraire une huile végétale ne rend pas le produit "huile végétale de XX" brevetable, sauf éventuellement si il n'était pas connu qu'on puisse obtenir une huile végétale de cette source ou même qu'il y avait un préjugé négatif à en obtenir que vous avez vaincue par exemple avec un nouveau procédé d'extraction d'huile végétale. L'"utilisation de cette huile végétale XX" par exemple dans le domaine de la cosmétique, avec une application particulière (anti-ride, hydratante...) peut être brevetable, pour autant que cette utilisation soit nouvelle et inventive. Ainsi si cette huile végétale est nouvelle, et que personne ne l'a donc jamais utilisée en cosmétique, on pourait considérer cette utilisation comme nouvelle, et donc susceptible de faire l'objet d'un brevet en France.
    Concernant l'activité inventive, il s'agit d'un critère subjectif à analyser au cas par cas en fonction de l'art antérieur, qui n'est pas analysé en France pour la délivrance du brevet. Il est par contre essentiel pour la délivrance d'un brevet en Europe ou aux USA.
    J'espère avoir pu vous être utile ! si vous souhaitez que j'analyse plus en détail votre invention, n'hésitez pas à me contacter à mt@touroude-associates.com

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci. Je vous contacterai via votre mail. Mon objectif est de deposer un Brevet

      Supprimer
  10. Bonjour
    Vous dites qu'un extrait vegetal est brevetable. Une huile extraite de graines d'un fruit ( le fruit est connu mais pas son huile) cette huile riche en omega 3 et en vitamine E est elle brevetable comme etant un extrait vegetal.
    Merci par avance

    RépondreSupprimer
  11. Bonjour ecequon peux créer ma propre marque de cosmétiques et de bien être
    Complément alimentaire sans déposer le brevet.

    RépondreSupprimer