mardi 17 mai 2011

DE LA QUALITÉ "SÉLECTIF" A UN PRIX "GRANDE SURFACE", C'EST POSSIBLE ?


La semaine dernière, j'étais invitée à la présentation d'une nouvelle marque cosmétique : Pur Inside. Des produits bio, à base de goji , avec des textures et des parfums sympas...

Je vous laisserai découvrir la gamme sur les blogs de quelques confrères/soeurs, car je voudrais moi m'attarder sur un point plus stratégique qui a retenu mon attention : leur politique de distribution.

Elle tient en 1 mot : e-commerce. Et même plus précisément, si j'ai bien compris, la gamme ne sera vendue QUE sur
pur-inside.com. L'idée derrière tout ça étant que si on se débarrasse des intermédiaires (agents, distributeurs, points de vente...) et de la publicité europhages, on peut proposer aux consommateurs des produits de qualité à des tarifs imbattables.

Le créateur de la marque, Xavier de Gavelle, affirme que ses crèmes à 21€ se retrouveraient probablement autour de 60€ dans un circuit de distribution classique.


Ce qui est fort possible car, sans vous dévoiler toutes les clés des marges de la distribution, schématiquement, on voit souvent ce genre d'équation :


Pour un prix public de 50€, le point de vente se prend jusqu'aux 2/3 (!!) de ce que vous payez, vous, consommateur - mais restons dans notre exemple sur "juste" la moitié, ce qui doit être à peu près la moyenne constatée en distribution sélective (parfumeries, grands magasins, chaines type Sephora) : 25€, donc.

Sur les 25€ restant, soit la marque a un distributeur (à l'export par ex) ou un agent qui se prend... disons, jusqu'à la moitié aussi (12,50€), ce qui fait un solde pour la marque de 12,50€, soit la marque traite en direct avec le point de vente et empoche donc 25€.


La marque ne touche bien sûr pas 12,50 ou 25€ nets. Sont soustraits de cette marge brute le PRI du produit (prix de revient industriel = matières premières, packagings, fabrication, conditionnement, tests qualité, transport...) mais aussi diverses charges plus globales (locaux, matériel, salaires, impôts, travaux de recherche, brevets, agence de communication, brochure de gamme, échantillons, conférence de presse, animations en magasin, etc...).


Au final... il ne lui reste pas grand chose en poche.



Alors, vous imaginez, pour un produit de soin pour le visage vendu 20 € au consommateur ? Si la marque ne touche que 1/4 du prix public, soit 5 € ??? Ce n'est possible que lorsque l'on vend de la... flotte (pour rester polie), de grooooosses quantités et/ou que l'on a des accords commerciaux avantageux (... ce qui est lié aux grosses quantités).

C'est pour cela qu’aujourd’hui, sur le marché, les marques de niche indépendantes sont aussi chères, et qu'un soin visage de qualité est vendu entre 40€ et 70€ (et là, toutes mes amies marques de niche vont me remercier de justifier leurs tarifs si simplement ;)).

Cette option e-vente directe prise par Pur Inside peut donc sembler être une solution. Ou un début de solution. Qui a déjà fait ses preuves avec des méthodes un peu plus à l'ancienne chez Yves Rocher, par exemple (vente directe par correspondance (catalogues), magasins en propre et aujourd'hui e-commerce uniquement sur le site de la marque).


Je vois quand même quelques inconvénients à cette stratégie (et vous me direz ce que vous en pensez) :
  • Difficile d'être très ambitieux sur les volumes de vente avec un seul e-point de vente encore inconnu à ce jour.
  • Impossible pour le client de tester les produits avant achat (= gros frein pour beaucoup d'entre eux) sauf s'il est prévu un système d'envoi d'échantillons gratuits ou à micro-prix, comme le fait par exemple Mon Parfum Bio - mais ce n'est pas le cas apparemment pour Pur Inside.
  • Incompatibilité de la notion de "luxe" affichée par Pur Inside avec l'e-distribution exclusive. Pour moi, le luxe, c'est avant tout une image de marque, l'envie de se sentir membre d'une certaine élite en possédant (en affichant) tel ou tel produit de telle grande maison et, pour les marques émergentes qui n'ont pas encore d'Histoire, au moins du service, des attentions, de la chaleur humaine, un peu de sur-mesure et/ou d'artisanat... Plus des codes graphiques / matière que ne possèdent pas les produits Pur Inside - ils ressemblent plus à des produits vendus en parapharmacie. Une qualité irréprochable, également, ce que la marque semble avoir, en tous cas sur les formules. Ah, et puis aussi, quand on fait du luxe, on ne le revendique pas : c'est un fait, point*. :)

Pour finir, je peux vous dire que, au-delà de cette réflexion très marketing sur la stratégie de distribution de Pur Inside, je suis persuadée (sans rien avoir testé quand même) que ces produits Bio sont effectivement très qualitatifs, et que pour une vingtaine d'euros, franchement, n'hésitez pas !!



* Ayant évoqué le sujet lors de la soirée de lancement, l'équipe Pur Inside a semblé plutôt adhérer à mon point de vue et a requalifié la marque "haut de gamme" plutôt que "luxe". Question de sémantique, peut-être, mais question essentielle.

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13 commentaires:

  1. Aaaaaaaah **cheveux qui se hérissent", qui sont donc ces points de vente qui se font 2/3 de marge?!?

    En institut c'était coef 2 et en para, pour la centaine de points de vente que j'ai vu c'était même moins, de l'ordre de 1.3 à 1.7.

    Sinon, bien sûr, c'est toujours aussi intéressant )

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  2. eh bé, je savais que les intermédiaires prenaient des marges mais j'imaginais pas à ce point !
    Je pense comme toi effectivement le fait de ne pas pouvoir essayer les produits peut être un frein.
    Et quand au positionnement "haut de gamme", je pense qu'effectivement si on n'a pas une "histoire" derrière, ce sont les codes graphiques, les services associés qui donnent envie d'essayer !

    Je pense par exemple sur un créneau tout autre à Nespresso. Derrière c'est nestlé, nescafé, on peut pas vraiment parler de glamour. Mais on n'a une impression de haut de gamme renforcé par les codes graphiques, la classe de leur point de vente (je parle des magasins nespresso et pas des corners dans les grands magasins, qui là pour le coup sont un peu naze...) sans parler de leur "égérie" (bave... :p ).

    Enfin, bref, j'aurais bien envie d'essayer mais ça manque d'un coffret d'essai (à défaut d'échantillon)...

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  3. En effet, les prix sur le net devraient défier toute concurrence. Et ce n'est pas le cas, loin de là !

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  4. Super intéressant comme article, je ne pensais pas que la distribution prenait autant de marges. C'est sûr que de prévoir des petits échantillons pour pouvoir tester des produits avant de les acheter, ce serait pas mal :-)

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  5. intéressant l'affaire de la marge, du coup je suis allée voir le site.Pas besoin d'echantillon car les compo sont super détaillées, pour une fois on sait ce qu'on met.ça a l'air super sérieux!

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  6. moi,e vais essayer parce que j ai vu le site du coup, et tout est expliqué,on sait même ce contiennent les crèmes!!pas besoin d 'echantillon car on sait ce qu 'on achète!

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  7. Article très intéressant, merci!

    La marque japonaise DHC a une stratégie de commercialisation similaire, quasi exclusivement par correspondance - enfin je ne sais pas ce qui a motivé ça à l'origine au Japon, mais j'ai cru comprendre que c'était clairement son positionnement maintenant, dans et au-dehors du Japon hors quelques spots privilégiés (grands magasins, beauty monop parisiens...). Concernant l'impossibilité de tester les produits, c'est un souci réel, mais ils sont très très généreux en échantillons, encore heureux! (je suis cliente, donc le sujet est sensible!)
    Évidemment ça ne peut marcher qu'avec un service client de qualité, sinon à la première anicroche on ne commande plus jamais... ils sont positionné sur la tranche supérieure du moyen de gamme, je dirais... enfin, c'est ma perception... (je ne veux pas faire spécialement de pub pour DHC, pais ça me paraissait pertinent de les mentionner? N'hésite pas à effacer mon comm s'il pose problème)

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  8. @ Nelly : je te dirai en off qui propose ce genre de coeff ;)

    @ Waffo : oui, Nespresso est un très bon exemple de diversification dans le luxe à partir d'une marque populaire !! :)

    @ Féflor : le problème étant que même si elles touchent plus de marge via le Net, les marques ne peuvent pas proposer / imposer des prix différents selon le type de distribution... sauf si elles ont choisi de faire comme Pur Inside.

    @ Montaw : ça me parait être le minimum...

    @ Anonymes 1 et 2 : tout d'abord, permettez-moi de douter de votre impartialité. N'avez-vous pas un lien avec pur Inside ? ;)
    Pour répondre à vos remarques : ce n'est pas parce que les actifs sont détaillés et qu'ils ont de jolis noms sympas que ça veut dire que c'est un bon produit. Qui nous dit qu'il n'y a pas 2% au total de que "vrais" actifs ou que ceux-ci sont vraiment efficaces ?
    Par ailleurs, bien sûr qu'il y a besoin d'échantillons, surtout sur du Bio, qui est souvent déceptif niveau sensorialité (beaucoup n'aiment pas et ont besoin d'être rassurés), et d'autant plus pour une marque totalement inconnue (à ce jour), à qui le consommateur ne saura pas faire confiance comme à d'autres marques qu'il connait déjà.

    @ Linde : oui, DHC aussi, c’est un peu le Yves Rocher d'Asie et oui, ils ont une politique d’échantillonnage forte, et ce n'est probablement pas un hasard.
    Sinon, dans un genre encore un peu différent mais similaire, on peut citer Natura Brasil, qui fait de la vente à domicile (= 1 intermédiaire : le vendeur, qui doit prendre 30% à tout casser), + du e-commerce sur un site en propre (et un magasin vitrine à Paris, le seul de la Planète).

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  9. en tant que future petite marque de niche, oui je te remercie de justifier aussi brillamment notre positionnement prix! :-)

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  10. Et bien.. tu nous ôtes tout illusion que les produits vendus à des prix accessibles (que ce soit en grande distrib ou en circuit sélectif) aient une quelconque efficacité.. =(

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  11. Absolument, tu as raison.
    Mais je pense à d'autres sites, qui ne vendent que sur le web, par exemple des pulls fabriqués en Chine et vendus exclusivement via le web... ça devrait coûter trois fois rien... c'est loin d'être le cas;
    ou d'autres exemples, en cosmétique : officinea, qui doit son succès sans doute au guide des meilleurs cosmétiques de l'observatoire des cosmétiques : pourquoi leurs produits sont-ils si chers ? ils n'ont aucun frais de distribution... imaginons un peu la marge qu'ils se font ... je trouve que c'est exagéré.

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  12. Un coef de marge de plus de 3 pour un revendeur, j'aimerai aussi bien savoir qui le pratique ... La réalité dans la cosmétique bio est plus proche de 2 voir un peu moins. Point important à préciser, ce coef de marge est entre le prix d'achat HT et le prix de vente public TTC.

    Je suis d'accord avec toi sur les limites de leur modèle de distribution, surtout pour le premier point. Tout miser sur la vente en ligne sur son propre site, surtout quand celui ci n'est pas vraiment optimisé pour la vente (la vente en ligne c'est aussi un vrai métier) me parait un peu dangereux.

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  13. @ Fred : oui tu as raison, on est en général plus autour d'un coeff 2. Le coeff 3, je l'ai découvert quelques jours avant d'écrire ce billet, c'est celui que pratique(rait) une grande enseigne, et je n'en revenais pas...

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