J’ai remarqué que beaucoup d’entre vous confondent réactions allergiques et irritations cutanées. En général, dès que vous voyez pointer le bout du nez d’une rougeur, ou que ça picote un peu, ou qu’une zone du visage semble plus rêche, vous hurlez à l’allergie. Surtout sur les Internets… ;) Et vous en déduisez parfois que le produit est mauvais, qu’il devrait être retiré du marché.
Ceci est une caricature, bien sûr… Mais je me suis dit que ce serait bien de faire un petit point sur ce sujet
(pas si) compliqué (que ça) (quand on se penche sérieusement dessus), à l’aide de
Michèle SAYAG, dermatologue et allergologue, Directrice Médicale BIODERMA. J’ai fait appel à elle car moi-même je ne suis spécialiste que des peaux saines
(cosmétologie) et quand il s’agit de dermatologie, je vous avoue que je n’en connais pas bien plus que vous.
A la fin de cet article, vous saurez comment différencier allergie et irritation et comment réagir en cas d’inflammation cutanée !
ALLERGIES & IRRITATIONS, QUELLES DIFFERENCES ?
Tout ce qu’on se met sur la peau est reconnu par l’organisme comme élément étranger. La plupart du temps, celui-ci n’y réagit pas. Mais parfois, il y réagit sous forme de dermatite (ou dermites) de contact. Il y en existe deux types :
- Les irritations (ou dermatites irritatives de contact, DIC)
- Les allergies (ou dermatites allergiques de contact, DAC)
Ces dermatites sont des maladies inflammatoires cutanées qui vont survenir à l’endroit du contact avec une molécule chimique avec la peau (« chimique » ne signifiant pas « synthétique », ça peut être des molécules naturelles). Elles sont souvent intimement liées.
LES MANIFESTATIONS CLINIQUES
D’un point de vue clinique, DIC et DAC peuvent avoir des manifestations proches : rougeurs, picotements, chaleur…
Pour les distinguer, il faut tout d’abord savoir que
70 à 80% des dermatites de contact sont des irritations. Les allergies sont plus rares.
Il y a ensuite un certain nombre d’éléments cliniques typiques à chacune.
L’allergie (DAC) (qui se manifeste le plus souvent sous la forme d’un eczéma) :
- Son apparition est retardée : entre le contact avec la substance et son apparition il se passe 24, 48 voire 96 heures.
- Les bords de la rougeur ne sont pas nets, ils sont « émiettés », et parfois la réaction inflammatoire s’étend au-delà de la zone de contact.
- En général, en plus des rougeurs et parfois des boutons, il se produit également un œdème (gonflement), et parfois des squames.
- En général, il se produit des démangeaisons.
- En l’absence de traitement, l’allergie peut se prolonger jusqu’à 15 jours après la mise en contact avec la substance allergisante.
Ces règles permettent de distinguer dans les grandes lignes allergie et irritation, mais attention, l’organisme humain ne répond pas à des « sciences exactes » comme les mathématiques, e
t il y a toujours des exceptions aux signes cliniques listés juste avant.
Notamment, quand l’irritation est chronique (c’est à dire que la peau est mise en contact régulièrement avec l’irritant, par exemple pour une dermite des mains liée à un liquide vaisselle). L’aspect va être modifié au fur et à mesure des contacts et finalement ressemblera à un eczéma (allergie) : simples rougeurs au départ, puis sécheresse cutanée, puis une peau très épaissie, rouge et squameuse, voire des fissures et des crevasses douloureuses…
Il peut aussi y avoir des allergies par procuration, pour lesquelles on peut difficilement faire le lien avec la substance allergène. Imaginons qu’une petite fille entre en contact tous les jours avec les cheveux teints de sa mère qui vient l’embrasser dans son lit, le visage de la petite enfoui dans les cheveux de la mère. Elle peut finir par développer au niveau du visage une allergie à une des molécules de la teinture capillaire. Un autre exemple : vous portez très régulièrement du vernis au niveau des ongles et dans la journée, sans vous en rendre compte, vous vous frottez régulièrement les yeux avec l’extrémité d’un ongle et ce, pendant des mois, voire des années. Vous pouvez finir par déclencher une irritation ou une allergie au niveau de la zone fragile des paupières sans en avoir aucun symptôme au niveau de la peau autour de l’ongle.
LES ORIGINES
Allons un peu plus loin dans la compréhension des mécanismes de la DIC (irritation) et la DAC (allergie), sans trop non plus entrer dans le détail des réactions très complexes de défense de l’organisme.
L’allergie fait intervenir le système immunitaire et sa « mémoire » (immunité adaptative, ou acquise, ou spécifique). Elle ne se met en place que s’il y a eu une sensibilisation préalable à la substance allergène (phase de sensibilisation). Le système immunitaire ne réagit pas cliniquement à ce premier contact (vous ne vous en apercevez pas) mais garde alors en mémoire la substance, et lorsqu’il y est à nouveau soumis, quelques jours ou des années après, il réagit (phase de révélation). A partir de ce moment-là, le corps réagira systématiquement à la molécule allergène. L’allergie est par ailleurs indépendante de la dose de substance allergisante avec laquelle l’organisme est mis en contact, cette dose pouvant être infime.
Notons qu’une molécule cosmétique peut être allergisante pour certains et complètement inoffensive pour la plupart des autres (baume du Pérou, lanoline, formaldéhyde…), tout comme, pour les allergies alimentaires, certains peuvent être allergiques à la fraise ou à des fruits à coque.
Les allergènes cutanés les plus fréquents sont les métaux (et le nickel en premier lieu), puis les cosmétiques (notamment parfums, conservateurs, huiles essentielles).
Le potentiel irritant d’une substance, au contraire, ne fait pas intervenir la mémoire du système immunitaire, et concerne tout le monde (immunité innée, effet toxique « direct »). Et il est dose-dépendant : n’importe qui peut être atteint à condition d’atteindre un certain seuil d’irritation, variable d’un individu à l’autre. Par exemple, nous aurons tous un trou dans la peau si on y dépose une quantité suffisante d’acide chlorhydrique. Ou encore nous aurons presque tous des irritations, rougeurs et picotements, si on nous applique 20% d’acides de fruits (peeling en cabinet médical), même si ces réactions seront plus ou moins fortes selon la sensibilité individuelle de chacun.
L’allergie est donc plus problématique : il suffit d’être à nouveau en contact avec une infime quantité de la substance allergisante pour faire à nouveau une réaction. Ce qui n’est pas le cas de l’irritation.
On dit aussi que l’irritation fait le lit de l’allergie : elle est souvent préalable à l’allergie même si elle passe parfois inaperçue. A force de cumuler les irritations quotidiennes, par exemple en milieu professionnel quand on a toujours les mains dans l’eau et que l’on manipule des détergents, la barrière cutanée est altérée, ce qui provoque un certain nombre de mécanismes cellulaires et chimiques, ainsi qu’une pénétration accrue des substances allergènes, qui finissent parfois par aboutir à des allergies qu’on n’aurait pas eues s’il n’y avait pas eu ces irritations chroniques préalables. Et ce, même si l’irritation préalable n’est pas cliniquement perceptible.
COMMENT REAGIR EN CAS D’INFLAMMATION CUTANEE
En cas de suspicion d’allergie, une consultation auprès d’un médecin est indispensable pour réduire l’inflammation et limiter la durée de son évolution afin d'éviter de fragiliser la peau et de provoquer des lésions permanentes.
Ensuite, il faut consulter un allergologue pour déterminer l’élément responsable de l’allergie et l’éviter par la suite en vérifiant les listes d’ingrédients, lorsqu’il s’agit d’une allergie à un cosmétique.
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Au niveau de la routine de soin cosmétique, il faut reconstituer la barrière cutanée le plus rapidement possible, laisser la peau « respirer »… la laisser en paix.
Pour cela, il est préférable de stopper sa routine de soin, même si l’on a identifié le produit auquel on a fait une réaction.
Pour nettoyer son visage, on choisira un nettoyant ne nécessitant pas de rinçage à l’eau, le plus simple possible (une eau micellaire comme la Créaline H2O), ou on se lavera à l’eau thermale, que l’on séchera sans frotter.
On oubliera quelques temps les produits de soin avec parfums et conservateurs, on choisira des formules courtes, avec les ingrédients les plus simples possibles (Créaline Tolérance + de Bioderma – il existe une version riche et une légère, mais aussi des soins à piocher chez Avène, Uriage, La Roche Posay…).
On évitera le maquillage.
Et quand ça ira mieux, on réintroduira un par un ses produits habituels.